Aujourd’hui, 8 mars, est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Cette année 2020 marque également le 25ème anniversaire de la Déclaration de Beijing, qui vise à promouvoir l’égalité des sexes depuis 1995, et célèbre donc une première génération de femmes nées dans une période d’encouragement et de protection de leurs droits.
La participation des femmes dans le sport a toujours été un bon indicateur de l’évolution des mentalités et des moeurs dans la société en général. Jusque dans les années 1950, les femmes étaient encore exclues de la majorité des événements sportifs, soit parce que l’on interprétait leur participation comme une forme d’exhibition indécente, soit parce que l’exercice physique était supposé mauvais pour leur santé. Par exemple, ce n’est qu’en 1954 qu’on a admis que les femmes pouvaient courir plus de 200 mètres sans risquer de graves problèmes physiques. C’est ce qu’illustre l’histoire de Roberta Gibb, à qui on a refusé le droit de s’inscrire au marathon de Boston en 1966, sous prétexte que les femmes étaient physiquement incapables de parcourir une telle distance. Elle participe quand même à la course, sans dossard, et l’achève en 3 heures, 21 minutes et 40 secondes. L’année suivante, Kathrine Switzer est la première femme à courir un marathon comme participante enregistrée, toujours à Boston, mais elle s’inscrit en n’utilisant que les initiales de son prénom, car la course est encore réservée aux hommes. Elle parvient à finir le parcours, défendue par d’autres coureurs alors que les organisateurs tentent de l’empêcher de continuer, mais elle sera ensuite disqualifiée. Ce n’est qu’en 1972 que les femmes sont officiellement autorisées à participer aux marathons.
Aujourd’hui, les femmes sont présentes dans la plupart des sports, à tous les niveaux, et on peut se réjouir du chemin que l’on a parcouru en quelques décennies. Cependant, même si elles sont de plus en plus nombreuses à pratiquer le sport à haut niveau, elles peinent encore à acquérir le statut de sportives professionnelles et, lorsque c’est le cas, elles sont souvent moins payées que les hommes. Le sport féminin est également beaucoup moins relayé par les médias. Selon une étude de 2014, seuls 15% du temps accordé au sport sur 12 chaînes françaises représentait le sport féminin. De plus, le sport féminin est souvent tenu à l’écart des médias les plus importants: en 2015, les matchs de la Coupe du monde de football féminin ne sont pas retransmis sur les chaînes nationales françaises, alors que l’équipe est 3ème au classement mondial.
On constate qu’encore aujourd’hui, les sportives ont du mal à être représentées comme des athlètes à part entière, que l’on évaluerait uniquement sur la base de leurs performances sportives, et qu’on accorde beaucoup d’importance à des données accessoires, notamment leur apparence physique. En effet, les médias commentent souvent la beauté des sportives (surtout lorsqu’ils la considèrent absente ou insuffisante), même dans les sports ne comportant pas de dimension esthétique à proprement parler. De nombreux témoignages d’athlètes mentionnent l’obsession liée au poids dans laquelle elles sont poussées à plonger, souvent sous couvert d’améliorer leurs performances. Serena Williams est un excellent exemple de ce phénomène. Les médias, et surtout les réseaux sociaux, regorgent de commentaires dégradants sur son physique, malgré son niveau d’excellence dans son sport. Souvent, un haut niveau de performance est décrit comme masculin, et on a souvent lu que Serena Williams jouait « comme un homme ».
Dans le sport pratiqué à un niveau non professionnel, on entend souvent s’exprimer les craintes des femmes quant à devenir trop musclées et trop massives, ce qui n’est souvent pas considéré comme féminin. Dans la plupart des salles de fitness, on propose des séances d’entraînement spécifiques pour les femmes, qui visent à « tonifier » les muscles sans prendre de masse. Le monde du fitness encourage souvent les femmes à mettre l’accent sur le cardio, et à avoir la perte de poids comme objectif majeur dans leur routine d’entraînement.
Au milieu de tout ça, le CrossFit n’est sans doute pas complètement épargné par les logiques sexistes. Cependant, le CrossFit, contrairement au fitness, n’a pas l’apparence comme but premier. S’entraîner dans une box n’est pas un moyen de courir après un idéal esthétique inaccessible, mais plutôt d’accomplir quelque chose dont on peut être fier et de progresser pour soi-même et pour sa santé. C’est un sport qui encourage les femmes à être fortes plutôt que de leur faire craindre une prise de masse musculaire jugée comme excessive. Apparemment, de nombreuses athlètes apprécient l’opportunité de soulever des charges lourdes et d’augmenter leur masse musculaire, et se sentent valorisées pour ce que leurs corps peuvent faire plutôt que pour leur apparence. Ce non intérêt du CrossFit pour l’esthétique est illustré par le fait que les box n’ont en général pas de miroirs. De nombreuses pratiquantes du CrossFit expliquent que, pour la première fois, elles se réjouissent d’aller s’entraîner car le but n’est pas de perdre du poids mais de s’améliorer dans l’exécution de différents mouvements et de devenir plus fortes, plus rapides, plus performantes.
Le CrossFit a toujours permis aux femmes de remettre en question les stéréotypes de genre, d’être des modèles, des inspirations et les égales des hommes. C’est peut-être parce qu’il s’agit d’un sport relativement nouveau et qu’il a été créé de manière égalitaire. La Co-Directrice des certifications et des formations chez CrossFit, Nicole Carroll, explique d’ailleurs que l’égalité des sexes a toujours fait partie de la culture CrossFit. Dans la majorité des cas, les adhérents masculins et féminins sont en nombre égal dans les box (les dernières études montrent même que les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans le monde du CrossFit). Dans les compétitions, les participants sont aussi distribués de manière égale, et il en va de même pour les spectateurs, qui répondent présents pour les heats masculins comme féminins. Les athlètes femmes comme hommes reçoivent la même attention des médias et c’est un des rares sports à proposer des épreuves où hommes et femmes concourent ensemble. De plus, depuis les premiers Games en 2007, tous les athlètes qui montent sur le podium reçoivent les mêmes prix, indifféremment de leur genre. Il en va toujours de même aujourd’hui, alors que, dans les autres sports, aucune femme ne parvient à se hisser parmi les athlètes les mieux payés du monde (à part peut-être Serena Williams).
Dans la box, chacun et chacune est traité/e avant tout comme un/e athlète. Le CrossFit valorise la force, l’endurance, la détermination et l’effort, et considère que les femmes en sont tout aussi capables que les hommes. Pendant de nombreuses années, les WODs proposés par CrossFit.com ne proposaient d’ailleurs pas de poids différents pour les hommes et les femmes. Cette différenciation a été introduite à la demande de nombreux coachs qui avaient besoin d’indications pour adapter les entraînements à chacun. Mais personne ne songerait jamais à décourager une athlète à choisir d’exécuter son WOD avec une charge supérieure à celle prescrite pour les femmes, si elle est jugée capable de la déplacer sans se blesser.
J’aimerais conclure avec une citation de Katrin Davidsdottir: « J’ai de la chance de prendre part à un sport qui traite et respecte les femmes comme les égales des hommes. Même s’il y a des variations de charges entre les genres dans les compétitions, les mouvements sont les mêmes pour tout le monde. Quand je donne mon maximum, je sais que Ben Smith – qui a gagné les Reebok CrossFit Games de 2015 avec moi – est en train de donner son maximum également. Grâce à cela, les hommes et les femmes dans notre sport ont un niveau de respect mutuel que je n’ai jamais vu ailleurs. »
Sources:
https://www.wellandgood.com/crossfit-women-history/
https://www.boxrox.com/the-paradox-that-all-female/
https://www.boxrox.com/how-crossfit-narrows-gap-in-gender-equality-in-sport/
https://time.com/4279643/women-soccer-gender-discrimination-crossfit/
https://time.com/4279643/women-soccer-gender-discrimination-crossfit/
https://www.boxrox.com/crossfit-women-gender-equality/
https://journal.crossfit.com/article/equality-warkentin
https://www.progenexfit.com/blogs/post/view/name/crossfit-gender-equality%20/