Cette semaine, nous vous proposons quelques réflexions sur la mobilité et la posture, dans le cadre de la prévention des blessures. La majorité des informations que vous trouverez ici sont tirées du livre « Becoming a Supple Leopard » de Kelly Starrett, ouvrage de référence reconnu sur le sujet. Un exemplaire en anglais est disponible pour consultation chez Crossfit975. Il existe désormais aussi en français pour les intéressés. Bien sûr, il ne s’agit là que d’un avis parmi d’autres, mais il est très utile pour commencer d’étudier la question de la mobilité.

L’objectif principal de ce livre est de permettre aux athlètes de repérer et de corriger leurs problèmes de posture et de mouvement avant l’apparition de symptômes désagréables – douleurs, gonflements, perte de mobilité, de force ou de sensibilité – qui signalent une usure ou une blessure des tissus ou des articulations. Le corps humain est fait pour bouger et peut supporter des mouvements répétés des millions de fois. Cependant, quand on le mobilise d’une manière qui ne lui est pas naturelle, on réduit drastiquement le nombre de mouvements qu’il pourra endurer avant de dire stop.

Rester à l’écoute des signaux que nous envoie notre corps est parfois difficile pour plusieurs raisons. Premièrement, le corps humain est capable de continuer à courir, à se battre, etc. malgré des blessures parfois sérieuses. Cela s’explique par le fait que ce sont les mêmes connections cérébrales qui sont utilisées pour commander les mouvements et pour ressentir la douleur. Dans les moments où le corps est fortement sollicité, il ne ressent donc pas la douleur, qui ne se manifeste qu’une fois au repos. Même si, à l’origine, ce mécanisme s’est mis en place pour favoriser la survie, il peut devenir problématique dans le cas d’athlètes qui continuent de s’entraîner alors qu’ils sont blessés, parce que ce n’est pas dans le mouvement qu’ils souffrent le plus. Deuxièmement, on constate que de nombreux athlètes ont tendance à valoriser le fait de « passer » un mouvement plutôt que la qualité de son exécution. Si cette manière de penser est compréhensible dans le contexte d’une compétition, elle ne devrait pas avoir sa place en entraînement.

Starrett invite les athlètes à abandonner cette logique dans leur pratique quotidienne du sport. En entraînement, on devrait se concentrer sur sa posture et sur une exécution propre des mouvements. Cet exercice nécessite une certaine remise en question car on peut tout à fait « passer » certains mouvements en commettant des erreurs dangereuses. Une bonne posture et un bon contrôle moteur permettent d’éviter les blessures mais aussi, à terme, d’améliorer ses performances, car le corps peut générer plus de force lorsqu’il est mobilisé de manière naturelle et correcte. Starrett propose aux athlètes de tous niveaux de revenir à des mouvements simples, sans charges, afin d’améliorer leur posture et leur manière de bouger, et d’ensuite appliquer ces techniques aux situations de stress cardiovasculaire en ajoutant du poids, de la vitesse, ou en créant des enchaînements de mouvements qui représentent un challenge.

Il a observé que 98% des blessures chez les sportifs étaient dues à des tensions musculaires excessives qui sollicitent trop les articulations et limitent la mobilité, ainsi qu’à des erreurs de posture, souvent liées à un manque de mobilisation et de stabilité dans le centre du corps. Le conseil donné par Starrett est donc de travailler la stabilisation et l’alignement de sa colonne vertébrale et de son tronc. Cela paraît simple, mais pensez au nombre de fois où vous avez entendu un de vos coachs à la box reprendre quelqu’un sur son gainage. Starrett a mis au point une routine de mobilisation du centre du corps à exécuter avant tout mouvement. Une bonne posture permet d’éviter les blessures du système nerveux central (c’est à dire de la colonne vertébrale), mais aussi d’améliorer sa mobilité de 50% dans les meilleurs cas (un manque de mobilité signale souvent que le corps essaye de protéger le système nerveux central).

La routine de gainage (serrer les fesses pour que le bassin se place en position neutre, rentrer le bas de sa cage thoracique pour l’aligner avec son bassin, serrer les abdos, s’assurer que sa tête est alignée en regardant devant soi, tirer les omoplates vers le bas) permet de stabiliser le corps, de générer plus de force dans les hanches et les épaules, mais aussi de régler les dysfonctionnement du périnée. Dans l’idéal, il faudrait maintenir cette position au quotidien, que l’on soit debout ou assis. La plupart des gens, mêmes des athlètes ayant beaucoup de force, n’ont pas l’endurance musculaire nécessaire pour maintenir cette posture tout au long de la journée, on peut donc commencer par mobiliser le corps pendant 4 minutes pour chaque tranche de 30 minutes passées en position assise. La respiration abdominale, qui mobilise le diaphragme, est d’une grande aide pour maintenir l’alignement de la colonne et la stabilité du tronc. Il faudrait donc essayer de s’habituer à respirer de cette manière même sous stress cardiovasculaire.

Selon la théorie de Starrett, on devrait maintenir son gainage dans tous les mouvements, malgré la concentration et l’effort qu’il faut engager, car cela permet de générer un maximum de force dans les hanches et les épaules, qui sont les deux articulations les plus importantes quand on cherche la puissance et l’explosivité. Les flexions et les extensions du tronc devraient être générées par les hanches et les épaules plutôt que par la colonne vertébrale. Evidemment, certains mouvements sont impossibles à réaliser avec le dos droit. C’est le cas, par exemple, lorsqu’on doit porter des objets de formes inhabituelles comme les Atlas Ball ou les sacs de sable. Dans ces cas-là, il faudrait rester gainé tout en fléchissant ou étendant la colonne au niveau des dorsales, et non au niveau des lombaires ou des cervicales. D’autres mouvements, comme le kipping, nécessitent une flexion ou une extension complète de la colonne. Ces mouvements nécessitent le maintien de la colonne afin qu’elle forme un arc continu tout au long du mouvement. Loin d’être dangereux, s’ils sont bien exécutés, ces mouvements permettent d’entretenir la mobilité de la colonne.

Enfin, Starrett explique comment on atteint la stabilité en faisant de son centre du corps un cadre solide et en générant des torsions à travers les extrémités. On a besoin de générer des forces rotationnelles pour stabiliser les épaules et les hanches parce que ce sont des articulations où la tête d’un os s’insère dans une cavité. Puisqu’il y a nécessairement de l’espace entre les deux parties de l’articulation, ce qui permet le mouvement, il faut pivoter les membres pour que les deux parties s’emboîtent de manière stable. Les articulations sont faites pour se stabiliser dans la torsion. Par exemple, on stabilise ses hanches en ancrant ses pieds parallèlement dans le sol et en poussant les genoux vers l’extérieur, et, en position overhead, on stabilise ses épaules en tournant les coudes vers l’intérieur et en poussant les aisselles vers l’avant.

Si on prend l’exemple des squats, Starrett explique qu’en plaçant les pieds parallèles on facilite la génération de force rotationnelle et donc la stabilité et la puissance. Il ne faudrait pas tourner ses pieds vers l’extérieur quand on descend en squat, même si on a l’impression que gagner en mobilité au niveau des hanches, car cela engendre des problèmes de posture – les genoux et les chevilles qui s’affaissent vers l’intérieur. On devrait toujours conserver l’arc naturel des pieds pour maintenir l’alignement entre les chevilles, les genoux et les hanches. Cela évite de blesser les articulations et optimise la force. Lorsque l’on est debout, les pieds parallèles, à largeur des épaules, et que l’on « visse » ses pieds dans le sol avec une force de rotation dirigée vers l’extérieur, on remarque que l’arc du pied se forme naturellement. C’est la meilleure position pour commencer un squat.

Bien sûr, être conscient de ces éléments théoriques n’est que la première étape du processus. Il faut ensuite en faire l’expérience dans des mouvements que l’on maîtrise, puis les appliquer à sa vie quotidienne et à sa pratique sportive. De manière générale, il faudrait maîtriser les mouvements fondamentaux qui ne demandent pas de vitesse et permettent de mettre en place une bonne posture et de maintenir la stabilité du corps, comme les squats, les pushups, les overhead press, les deadlifts, etc. Il est ensuite plus facile de transférer ses acquis aux mouvements qui impliquent la vitesse, et donc potentiellement un stress cardiovasculaire, comme les sauts, les wallballs, la course ou le rameur, et enfin aux mouvements les plus complexes, comme les snatch, par exemple.

On a souvent besoin d’aide pour repérer ses problèmes de posture ou de mobilité et les stratégies que le corps met en place pour les compenser. De l’extérieur, on voit des choses parfois difficiles à sentir de l’intérieur, surtout si une erreur s’est installée depuis longtemps. C’est pourquoi il est primordial non seulement d’observer les coachs et les autres athlètes, mais aussi d’écouter leurs corrections et leurs conseils afin d’éviter de se blesser et d’améliorer ses performances. Cette année, les coachs de Crossfit975 ont suivi une formation de deux jours avec une ostéopathe afin d’en apprendre d’avantage sur les questions de posture, d’évitement des blessures, etc. – une raison de plus pour prendre en compte leurs remarques! N’hésitez pas à leur parler de vos blessures, de vos limitations, ou des améliorations que vous observez dans votre façon de bouger. Vous avez également la chance de pouvoir demande de l’aide et des conseils au personnel du Cab’, et d’entraîner votre mobilité grâce à des plateformes telles que ROMWOD ou GO WOD.